Idées et Evénements

Orientation and the Orient

Peut-on s’orienter sans l’Orient ?

Sur Boussole, de Mathieu Esnard, Actes Sud, 2015

J’ai récemment découvert un livre dont je n’ai compris le titre qu’après l’avoir lu. Boussole, de Mathieu Esnard, le der-nier Goncourt, m’a paru indigeste au premier abord, puis je me suis laissée agréablement emporter par ce cheminement mental d’une nuit insomniaque.

On suit les circonvolutions d’une pensée qui mêle histoire personnelle avec histoires de voyageurs et d’intellectuels qui se sont investis en Orient. Mathieu Esnard nous montre la fascination pour l’Orient, la quête de l’Orient à la fois lointain et proche – aussi en nous. Regardez comment les mots « orient » et « oriental » se réfèrent à différentes régions du monde en fonction de celui qui parle : cela peut aller du Maghreb pour les Français jusqu’à l’Asie pour les Anglo-saxons.

On accompagne Franz Ritter, chercheur spécialisé dans la musique orientale, le long d’une nuit sans sommeil dans ses remémorations foisonnantes et légèrement inquiètes, où sa vie et ses recherches sont intimement imbriquées. On y trouve le rêve, une histoire d’amour jamais achevée, la part de l’autre, les filtres de l’exotisme, la transformation de l’autre en objet, des rencontres inattendues.

Ce livre touffu est passionnant et émouvant. Il nous apporte une autre articulation entre l’Occident et l’Orient. On peut le mettre en regard du livre d’Amin Maalouf, « Les Croisades vues par les Arabes » (Poche, 1999), qui travaille notre ethnocentricité dans notre rapport à l’Orient. Cette fois-ci, avec Mathieu Esnard, on explore l’Orient comme cette part d’étrangeté à l’intérieur de soi.